D’ici 2050, l’Europe sera absente du club des dix premières économies mondiales
L’Union européenne traverse une crise existentielle d’une ampleur sans précédent. Selon plusieurs analystes, la lente érosion de sa compétitivité, conjuguée aux bouleversements géopolitiques, conduira inévitablement à une relégation historique : aucune économie européenne ne figurera parmi les dix premières du monde d’ici 2050.
« L’Europe fait l’envie du monde entier. Mais combien de temps pourrons-nous continuer ainsi ? » s’interroge Jorge Dezcallar de Mazarredo, ancien ambassadeur d’Espagne aux États-Unis et ex-directeur du renseignement espagnol, dans un entretien accordé à BBC Mundo. Son dernier ouvrage, “La fin d’une époque. Ukraine : la guerre qui accélère tout”, dresse un constat sans appel : le Vieux Continent est en déclin.
Les symptômes d’un déclin accéléré
La stagnation économique est déjà palpable. En 2024, la croissance européenne n’a atteint que 0,9 %, un chiffre alarmant pour une région représentant encore un cinquième du PIB mondial. Sous la pression de multiples crises – guerre en Ukraine, fragilités politiques internes, rivalités économiques accrues – l’Europe semble incapable de se réinventer.
Face à la concurrence du Sud global, emmené par l’Asie, et face aux ambitions renouvelées de la Chine, l’UE paie aujourd’hui le prix d’un modèle économique et social devenu insoutenable. Avec seulement 6 % de la population mondiale, elle concentre pourtant près de 50 % des dépenses sociales de la planète.
« Nous avons les meilleurs systèmes de santé, d’éducation, d’infrastructures… mais tout cela coûte très cher. » prévient Dezcallar.
La fragmentation européenne : un handicap majeur
À cette fragilité économique s’ajoute une profonde désunion politique. L’Europe, privée d’une véritable politique étrangère, énergétique ou militaire commune, semble incapable de peser face aux grandes puissances du XXIᵉ siècle.
Le Brexit a affaibli le projet européen. La montée des populismes en France, en Allemagne et ailleurs complique davantage la perspective d’une Europe intégrée. « Le soutien à l’Ukraine a momentanément soudé les Européens, mais les fissures structurelles demeurent », observe Dezcallar.
Le retour annoncé de Donald Trump à la présidence des États-Unis n’augure rien de bon : menaces de droits de douane, désengagement progressif de l’OTAN, vision transactionnelle des alliances… L’Europe pourrait bientôt se retrouver seule, militairement et économiquement, face aux turbulences du monde.
Une nécessaire réinvention
Le constat est rude : l’Europe a commis trois erreurs stratégiques majeures – sa dépendance sécuritaire envers les États-Unis, énergétique envers la Russie, commerciale envers la Chine.
Pour inverser la tendance, des voix appellent à un “saut fédéral” : plus d’intégration économique, industrielle et militaire. Le rapport Draghi sur la compétitivité européenne recommande d’investir au moins 800 milliards d’euros par an dans une nouvelle politique industrielle.
« Moins il y aura d’Europe, moins nous aurons d’influence mondiale. Et plus notre déclin s’accélérera », avertit Dezcallar. Le sursaut européen est possible, mais il exige de la volonté politique et une vision claire d’un avenir commun.
L’heure des choix
Alors que le monde bascule vers un ordre multipolaire dominé par l’Indo-Pacifique, l’Europe n’a plus le luxe de l’immobilisme. Faute d’un réveil rapide, elle risque non seulement d’être reléguée au second plan économique, mais aussi de voir s’effriter le modèle de prospérité et de protection sociale qui fait aujourd’hui son prestige.
L’histoire s’accélère. L’Europe, elle, doit choisir : la voie d’une renaissance collective ou celle d’un lent effacement.
