Les cellulaires bannis dans les écoles du Québec
École et civisme : Bernard Drainville impose un virage disciplinaire dans les établissements du Québec
Dans un Québec de plus en plus préoccupé par la montée de la violence et de l’intimidation en milieu scolaire, le ministre de l’Éducation Bernard Drainville choisit la fermeté. À l’occasion d’une déclaration solennelle, il a présenté aujourd’hui une série de mesures ambitieuses qui visent à « rétablir le respect et le civisme dans toutes les écoles du Québec ».
Ces annonces marquent une étape décisive dans la suite du Plan de prévention de la violence et de l’intimidation lancé en octobre 2023. Cette fois, il ne s’agit plus seulement de prévention, mais d’un changement culturel profond, que le ministre veut ancrer dans le quotidien des élèves — jusque dans leurs mots, leurs gestes, et leurs silences.
Interdiction complète du cellulaire : couper la racine du mal
Dès la rentrée 2025, les téléphones cellulaires, écouteurs et autres appareils mobiles seront strictement bannis de l’ensemble du terrain scolaire, du premier au dernier son de cloche, pauses et dîner compris. Une décision radicale, dans la continuité de l’interdiction déjà en vigueur en classe depuis janvier 2024.
Ce durcissement fait écho aux recommandations de la Commission spéciale sur les impacts des écrans et des réseaux sociaux, qui identifie le téléphone comme un catalyseur de nombreuses tensions. Le SPVM (Service de police de la Ville de Montréal) note lui aussi que de nombreux actes violents ont pour origine des conflits initiés ou exacerbés via les écrans.
« On agit à la source », a déclaré Bernard Drainville. « Le téléphone est trop souvent une arme d’intimidation ou d’exclusion sociale. L’interdire, c’est permettre à nos jeunes de redevenir présents, ensemble. »
Des exceptions encadrées seront prévues pour des raisons médicales, pédagogiques ou liées à des besoins particuliers. Chaque établissement conservera une marge de manœuvre locale pour mettre en œuvre cette nouvelle règle.
Retour du vouvoiement et codes de vie renforcés
Au cœur de cette réforme : un nouveau code de vie scolaire à appliquer dès janvier 2026 — ou plus tôt, pour les établissements prêts à devancer l’appel. Parmi les mesures phares :
- Le vouvoiement devient la norme dans toutes les interactions entre élèves et personnel;
- Les élèves devront désormais s’adresser aux adultes en disant « Monsieur » ou « Madame »;
- Des sanctions progressives seront imposées en cas de non-respect : avertissements, lettres d’excuses, services rendus à l’école, voire expulsion pour les cas les plus graves;
- Le respect des principes fondamentaux du vivre-ensemble, comme l’égalité femmes-hommes et le visage découvert à l’école, sera inscrit dans les règlements, sous réserve de l’adoption du projet de loi 94 sur la laïcité.
Au-delà des consignes, c’est une philosophie éducative fondée sur la responsabilité individuelle que le gouvernement veut restaurer, dans un système parfois accusé de laxisme ou de démission.
Les parents convoqués au devoir éducatif
Nouveauté de taille : les parents seront formellement impliqués dans la transmission et l’application de ces règles. Chaque école devra s’assurer qu’ils prennent connaissance du code de vie et le signent. En cas d’écart de conduite, leur présence pourra être exigée lors de rencontres avec l’école.
Le message est clair : les valeurs s’inculquent d’abord à la maison.
Une équipe d’intervention volante : soutien d’urgence aux écoles en détresse
Face aux cas les plus complexes, une équipe d’intervention spécialisée sera déployée dans les écoles qui en font la demande. Déjà en place dans sept établissements, cette cellule d’experts en éducation interviendra à la manière d’une brigade de médiation : analyse des enjeux, co-construction de plans d’action, formations, partenariat avec les forces policières ou les organismes communautaires.
Un dispositif inédit qui rappelle que le terrain reste au cœur des préoccupations, et que le ministère entend s’y engager de manière concrète.
Un virage culturel, pas seulement disciplinaire
En creux de ces mesures se lit une volonté de réenchanter le lien social à l’école, de remettre à l’honneur les règles partagées comme vecteur d’inclusion plutôt que d’exclusion. Le cellulaire n’est pas simplement un outil de distraction : c’est, dans l’analyse du ministre, un instrument de rupture sociale, qui accentue la solitude, la comparaison, le harcèlement.
La réponse est donc plus large qu’un simple cadre : elle se veut structurelle, éthique, pédagogique. Et, pour Drainville, urgente.
« Le respect ne s’enseigne pas uniquement par des leçons : il se vit. Il se ressent. Et il se structure. »
Cette réforme ambitieuse, qui ne manquera pas de susciter débats et résistances, pourrait bien redéfinir durablement le visage de l’école québécoise.
