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Profilage racial à Terrebonne : une décision historique contre les abus policiers

C’est un jugement qui fera date. Ce mardi 13 mai 2025, le Tribunal des droits de la personne du Québec a rendu une décision puissante, claire et courageuse : il condamne la Ville de Terrebonne et deux de ses policiers pour une intervention discriminatoire à l’encontre d’un chauffeur d’autobus noir, intercepté sans raison apparente. Une victoire symbolique, mais aussi concrète, contre le profilage racial.

Un arrêt de routine qui vire à l’injustice

Tout commence par une interception banale. Du moins en apparence. Un homme noir, au volant de la voiture de sa conjointe, est arrêté sans motif clair par deux agents du Service de police de la Ville de Terrebonne. Aucun feu rouge grillé. Aucun excès de vitesse. Aucun comportement suspect. Juste une couleur de peau.

L’intervention dérape rapidement : contrôles injustifiés, vérifications auprès de l’employeur, quatre constats d’infraction, pour un montant dépassant les 1 000 dollars. Un enchaînement de gestes lourds de sous-entendus, d’une violence insidieuse. Le tout, sans justification valable. À chaque étape, le Tribunal a constaté un traitement différencié fondé sur la race, la couleur et le sexe de la victime.

La justice parle : 15 000 $ en dommages et un appel à la réforme

La réponse judiciaire, elle, est sans appel. Le Tribunal condamne la Ville et ses agents à verser 12 000 dollars en dommages moraux. Les deux policiers sont également sanctionnés à titre personnel, à hauteur de 2 000 $ et 1 000 $ en dommages punitifs. Mais surtout, la Ville de Terrebonne se voit ordonner une série de mesures structurelles pour enrayer le profilage racial.

Parmi elles, une formation obligatoire pour tous les agents de police, assurée par un expert indépendant ; une sensibilisation aux biais inconscients et aux pratiques d’interception non discriminatoires ; et une collecte systématique et publique des données liées à la race perçue des personnes interpellées.

Des mesures ambitieuses, mais nécessaires, selon la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, qui représentait la victime.

« Un jugement significatif » — La parole à la Commission

Myrlande Pierre, vice-présidente de la Commission et figure respectée dans la lutte pour l’équité, ne cache pas sa satisfaction :

« Ce jugement est significatif dans la lutte contre le profilage racial et la stigmatisation des communautés noires. Intercepter des personnes noires au volant sans motif est un phénomène persistant, dangereux, qui mine la confiance envers les forces de l’ordre. Il faut y mettre fin. »

Au-delà du cas individuel, une leçon collective

Car il ne s’agit pas ici d’un cas isolé. Cette décision s’inscrit dans un contexte plus large, celui d’une remise en question croissante des pratiques policières au Québec et au Canada. Dans plusieurs villes, des études ont démontré des disparités raciales flagrantes lors des contrôles routiers. Cette affaire, jugée et tranchée, vient confirmer ce que de nombreuses voix dénoncent depuis longtemps : le profilage racial n’est pas une impression. C’est une réalité.

En condamnant à la fois les actes individuels et les défaillances systémiques, le Tribunal envoie un message clair : il est temps d’agir. De former. De réformer. Et surtout, d’écouter celles et ceux qui, chaque jour, vivent dans la crainte d’être arrêtés non pour ce qu’ils font, mais pour ce qu’ils sont.

Une justice qui redonne espoir

Pour la victime, ce jugement ne fera peut-être pas oublier l’humiliation subie ce jour-là. Mais il lui rend une forme de dignité, et surtout, il trace un chemin. Celui d’une société qui refuse de tolérer l’injustice ordinaire, même — et surtout — quand elle vient de ceux censés protéger.

En 2025, la lutte contre le profilage racial continue. Mais aujourd’hui, à Terrebonne, la justice a parlé. Et elle a parlé fort.

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