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Amazon devant la justice : le bras de fer s’engage autour des fermetures d’entrepôts au Québec

C’est une bataille judiciaire d’envergure qui s’ouvre ce matin devant le Tribunal administratif du travail (TAT) du Québec. En toile de fond : la fermeture controversée de sept entrepôts d’Amazon dans la province, dont celui de Laval, seul à avoir été officiellement syndiqué. À l’origine du recours, la Confédération des syndicats nationaux (CSN), qui dénonce une manœuvre antisyndicale flagrante de la part du géant américain du commerce en ligne.

Le dossier, complexe, soulève des enjeux majeurs à la fois juridiques, économiques et sociaux. En effet, la CSN demande non seulement la réouverture des entrepôts visés, mais exige également plus d’un an de salaire pour chaque travailleur affecté, en plus de dommages moraux et exemplaires.

Étape procédurale

Les débats débute ce matin avec l’examen d’une requête en rejet sommaire déposée par Amazon. L’entreprise souhaite circonscrire la procédure au seul entrepôt syndiqué de Laval, estimant que les six autres — non syndiqués — ne relèvent pas de la même logique. Un argument que la CSN rejette vigoureusement. Selon la centrale, les campagnes de syndicalisation en cours dans les autres entrepôts ont été brutalement interrompues par des fermetures soudaines, privant ainsi des centaines de travailleuses et travailleurs de leurs droits les plus fondamentaux.

« Il s’agit d’un geste d’une brutalité inouïe, qui trahit l’intention manifeste d’écraser toute tentative d’organisation syndicale, » dénonce Caroline Senneville, présidente de la CSN. « Nous avons bon espoir que le Tribunal reconnaîtra la nature profondément antisyndicale de ces fermetures. »

Une entreprise sur la défensive

Amazon, de son côté, s’efforce de limiter la portée du litige. L’entreprise a également demandé au Tribunal d’écarter toute preuve susceptible de faire référence à sa réputation antisyndicale hors Québec, cherchant ainsi à éviter que le procès ne prenne une dimension plus globale et symbolique.

Cette stratégie judiciaire souligne l’inconfort d’un géant mondial confronté à des mécanismes de droit du travail plus rigoureux qu’ailleurs. Le Québec, avec ses traditions syndicales solidement ancrées, pourrait bien devenir un laboratoire de résistance face à certaines pratiques de l’économie numérique.

Mobilisation politique et citoyenne

Au-delà du terrain juridique, la contestation s’étend. La récente enquête NETendances révélait qu’un Québécois sur deux avait réduit, voire cessé, ses achats sur Amazon. Dans la foulée, plusieurs municipalités — dont Québec, Sherbrooke et Gatineau — ont annoncé des mesures concrètes visant à restreindre leurs achats auprès de l’entreprise. Une vague de boycotts qui témoigne d’un malaise croissant au sein de la population face à l’attitude perçue comme hégémonique et peu respectueuse des droits des travailleurs de la multinationale fondée par Jeff Bezos.

Un précédent aux répercussions nationales

Si le Tribunal donne raison à la CSN, les conséquences pourraient être considérables, bien au-delà des frontières du Québec. Une telle décision créerait un précédent pour d’autres provinces canadiennes — et potentiellement pour d’autres juridictions dans le monde — où Amazon est régulièrement critiquée pour ses pratiques sociales.

Pour l’heure, les regards restent braqués sur le TAT, qui aura à trancher un conflit emblématique de notre époque, entre libertés économiques des géants du numérique et défense des droits fondamentaux des travailleuses et travailleurs.

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