Une reine oubliée retrouve un visage grâce à une égyptologue québécoise
L’UQAM dévoile un portrait inédit de Neferneferouaton réalisée par une québécoise grâce à l’IA
Une figure longtemps demeurée dans l’ombre de l’histoire égyptienne refait surface grâce à la rencontre inédite entre archéologie, technologie et intuition scientifique. Lors d’un séminaire international tenu à l’Université Paul Valéry Montpellier III, en France, Valérie Angenot, professeure au Département d’histoire de l’art de l’Université du Québec à Montréal (UQAM), a révélé le portrait reconstitué de la mystérieuse reine-pharaon Neferneferouaton — une image façonnée à l’aide de l’intelligence artificielle et d’outils infographiques de pointe.
Une quête numérique pour faire parler la pierre

Le point de départ de cette aventure scientifique : une tête royale conservée au Kestner Museum de Hanovre, en Allemagne. Sculptée il y a plus de 3 300 ans, cette statue énigmatique serait l’un des rares portraits connus de Neferneferouaton, la souveraine qui monta brièvement sur le trône après Akhenaton, et avant Toutankhamon. Le mystère de son identité a longtemps divisé les égyptologues.
Pour soutenir ses hypothèses, Valérie Angenot a entrepris de donner un visage réaliste à cette reine oubliée — un exercice complexe, réalisé à l’aide d’intelligences artificielles génératives (IAG) comme Midjourney, Gemini et ChatGPT. Mais très vite, les obstacles éthiques et techniques se sont multipliés.
« L’IA refusait de générer l’image d’une jeune fille mineure, même dans un but scientifique », explique la professeure. « Elle jugeait l’association des termes “égyptienne” et “jeune fille” comme potentiellement problématique. »
Ces blocages ont mis en lumière les tensions entre les garde-fous éthiques intégrés aux IAG modernes et les besoins spécifiques de la recherche académique. Finalement, c’est à partir d’un portrait généré par ChatGPT — représentant une femme adulte aux traits vaguement inspirés de la sculpture — que la professeure a entamé un travail minutieux de reconstitution dans Photoshop.
Entre science et art : un portrait plausible
Retouchant traits du visage, textures et attributs royaux (couronne, uræus), Angenot a produit un portrait réaliste respectant fidèlement les caractéristiques de la tête sculptée de Hanovre. Elle souligne toutefois les limites actuelles de l’IA dans la restitution d’artefacts historiques : accessoires fantaisistes, couronnes incohérentes, esthétisme kitsch… L’historienne a dû injecter son expertise humaine à chaque étape du processus.
« L’IA offre une base de travail intéressante, mais c’est l’œil du spécialiste qui donne au modèle sa crédibilité scientifique. »
Au-delà de la prouesse technique, cette reconstitution vient nourrir un débat qui agite le monde de l’égyptologie depuis des décennies.
Qui était Neferneferouaton ?

Le règne de Neferneferouaton, court et effacé par ses successeurs, a donné lieu à une véritable énigme identitaire. Était-elle Nefertiti, l’épouse d’Akhenaton, régnant seule après sa mort ? Meritaton, leur fille aînée ? Ou une autre princesse oubliée de l’histoire ?
Valérie Angenot défend une hypothèse singulière : selon elle, la tête de Hanovre représente Neferneferouaton-Tacherit, une autre fille du couple royal, possiblement montée sur le trône entre l’enfance et l’adolescence. La reconstitution numérique appuie cette thèse, en révélant un visage féminin aux traits mixtes, à la croisée génétique de ses célèbres parents.
« La morphologie ne correspond ni à celle du buste de Nefertiti à Berlin, ni à celle d’Akhenaton. Mais elle en porte l’empreinte. Ce visage est celui d’une descendance. »
Une résurrection visuelle et historique
En redonnant chair et regard à une figure effacée de l’histoire, Valérie Angenot remet en question la manière dont les IA peuvent — ou ne peuvent pas encore — accompagner les sciences humaines. Surtout, elle rend justice à une souveraine dont la trace a été presque effacée du récit pharaonique.
« Cette image ne prétend pas à la vérité absolue, mais elle offre une hypothèse incarnée. Elle donne à voir ce que fut peut-être une des premières femmes souveraines d’une Égypte monothéiste et révolutionnaire. »
Les photos du portrait reconstitué sont disponibles sur demande ou dans la Salle de presse de l’UQAM.
La professeure Angenot est disponible pour des entrevues.
