Réponse à Legault : « Agir » n’est pas incompatible avec cohérence, convictions et lucidité.

par Paul St-Pierre Plamandon

Publié  2,545 Vues actualisé 2 années depuis

Un bref retour sur le discours du premier ministre lors de son congrès plus tôt aujourd’hui s’impose. D’abord, un premier constat : après nous avoir ignorés et travaillé à nous marginaliser durant de nombreuses années, François Legault fait maintenant visiblement du Parti Québécois son principal adversaire. Maintenant qu’il nous voit dans son rétroviseur, il ressent donc le besoin d’essayer de nous discréditer. Je n'entrerai pas dans une surenchère de discrédit et je me contenterai de lui répondre sur le fond des choses.

Son langage choisi est le suivant : la CAQ agit, alors que le PQ ne veut qu’attendre le Grand Soir, faisant référence à une éventuelle victoire référendaire. Le fait de travailler à ce que le Québec devienne un jour un pays nous empêcherait-il d’agir pour le français, la culture et pour tout autre domaine lié à l’avenir de notre nation? Lorsqu’on regarde concrètement, qu’est-ce qu’a fait François Legault depuis son arrivée au pouvoir il y a bientôt 5 ans ?

Le premier ministre se vante d’avoir « agi » en matières de français, de culture et d’immigration. Il a sans aucun doute fait plusieurs déclarations lui permettant de s’approprier ces thématiques et de s’attirer des votes, mais qu’en est-il réellement des gestes qu’il a posés ?

La réalité est que jamais le français n'aura autant reculé au Québec qu’au cours des dernières années et que la CAQ vient tout juste de gagner une campagne électorale en affirmant que, grâce à sa loi 96, le français se porterait désormais mieux. Or, à peine un mois après la campagne, la CAQ s’est mise à dire exactement l’inverse, en appelant à un sentiment d’urgence national pour sauver le français au Québec.

François Legault nous sert la même technique aujourd’hui dans son discours de congrès lorsqu’il affirme que son objectif est que le gouvernement de la CAQ soit celui qui aura renversé le déclin du français. Répéter à haute voix un objectif et s’en vanter ne le rend pas forcément réel pour autant : je mets au défi François Legault de nous montrer une seule étude, un seul spécialiste, un seul démographe, une seule projection linguistique qui démontre que nous freinerons le déclin du français dans les prochaines années avec ses mesures et politiques actuelles. Il n’y en a pas et c’est d’ailleurs ce que des dizaines de spécialistes sont venus nous dire lors de l’étude de son projet de loi 96 il y a à peine quelques mois : celui-ci ne FREINERAIT en AUCUN CAS le déclin du français. Pire, non seulement son objectif ne se réalisera pas si l’on continue, mais au rythme actuel, François Legault sera le premier ministre qui aura été responsable du déclin le plus rapide et le plus marqué du français de toute l'histoire du Québec. C'est ça la réalité, c'est ça le pays réel.

Le pays réel, c'est un pays qui se nomme Canada et qui se construit sans nous, dans le cadre d'une dérive idéologique qui mènera à coup sûr à la minorisation et au déclin politique, linguistique et culturel du Québec dans un Canada méprisant à notre égard. Se contenter de se donner bonne conscience à ce stade-ci de notre histoire est une forme de renonciation à laquelle le Parti Québécois refuse d’adhérer. Nous refusons d’adhérer à cette incapacité à saisir l’urgence de notre situation, à cette tentation de croire que de petits gestes et des déclarations chocs suffiront à assurer la pérennité du Québec francophone dans un continent presque entièrement anglophone. Et surtout, son incapacité à voir l’évidence, l’éléphant dans la pièce : avec les politiques démographiques actuelles du Canada, nous sommes condamnés à la minorisation et à la marginalisation, soit politique, soit linguistique, ou plus réalistement, les deux.

C’est ne pas saisir que nous sommes pris au piège dans un pays qui n’en a rien à faire de notre spécificité culturelle et de notre différence vitale.

Devant ces constats, durs, mais nécessaires et lucides, de plus en plus de Québécois réalisent, contrairement à leur premier ministre, L’URGENCE de parler de ces sujets avec rigueur, sincérité et lucidité, et non simplement pour se donner bonne conscience et tenter d’aller chercher des votes. Plusieurs Québécoises et Québécois qui ont donné une chance honnête à la CAQ sont déçus de voir que le Canada planifie un avenir sans le Québec et que Legault n’offre aucune riposte autre que les vœux pieux et du marketing politique.

En se moquant des indépendantistes en parlant du Grand Soir, François Legault tente aussi d’agiter d’anciens épouvantails avec lesquels nous ne sommes maintenant que trop familiers, ce sont ceux de Jean Charest et Phillipe Couillard, notamment. Il tente ainsi d’éteindre les ambitions légitimes du Québec et une politique péquiste fondée sur des convictions et de la cohérence. Vivre dans le pays réel, c’est avoir réellement le « courage » (un mot cher à notre premier ministre) de ses convictions tous les jours, pas au vent des sondages.

Nous n’attendons pas le Grand Soir, nous y travaillons. Nous travaillons pour que se réalise LA SEULE option capable de nous assurer un avenir en français et la pérennité de notre culture, la seule option permettant de faire des choix responsables sur le plan environnemental. Nous faisons preuve du sens des responsabilités et de l'intégrité intellectuelle qui s'imposent dans les circonstances.

Parce que vivre dans le pays réel, c’est bâtir de la confiance plutôt que de traiter les électeurs comme de la marchandise électorale en disant une chose en campagne pour ensuite faire exactement l’inverse. C’est de travailler à un beau projet de société, en s’adressant à l’intelligence et la lucidité des gens.


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